Elle fait partie du mouvement intégratif à la fois en tant que modèle intégratif et en tant que pratique intégrative :
a - L’hypnose comme modèle intégratif
La nature de l’hypnose en elle-même est intégrative :
C’est une pratique où la relation et le lien sont essentiels. L’observation du processus hypnotique nous montre que soigner en hypnose c’est amener une personne à changer de sensorialité, à quitter une perception restreinte pour rentrer dans un autre type de perception, une phase d’ouverture. Cette phase d’ouverture est le moment où les remaniements, les changements peuvent se faire.
Or quand nous souffrons, que ce soit de douleur, de dépression, d’angoisses ... nous sommes immobilisés dans notre vie par ces symptômes, qui nous coupent d’une relation équilibrée au monde et à nous-mêmes. Ils sont une rupture dans le mouvement permanent du changement et dans notre adaptation et notre attention à ce changement. Quand nous nous focalisons sur le symptôme, à force de le fixer, il finit même par occuper tout notre champ de perception.
L’hypnose, qui est un éveil de l’attention, permet de se défocaliser de cette fixation sur le symptôme pour se relier à nouveau à l’ensemble des éléments de la vie.
De façon générale, le processus hypnotique permet de passer d’une perception habituelle, qui catégorise, sépare, divise, à une perception qui intègre sans opposer les différents éléments de la vie, comme le rappelle François Roustang [4], philosophe et hypnothérapeute : « Je me contente de replonger le symptôme dans la totalité de l’être, sans vouloir lui donner un sens particulier, sans vouloir l’interpréter. Je lui suggère de ne pas tenir compte de son symptôme précisément parce que le symptôme ne devient lui-même que parce qu’il est isolé. Replongez-le dans la totalité de votre vie, il disparaîtra … »
Pratique psychocorporelle par excellence, l’hypnose ne dissocie pas le corps et l’esprit et permet de faire l’expérience du tout.
La communication hypnotique, modèle intégratif par excellence :
L’expérience hypnotique nous montre qu’une pratique intégrative peut s’inscrire au cœur même de la communication entre praticien et patient et cela à plusieurs niveaux :
L’hypnose n’est pas une juxtaposition de techniques mais un art de la communication, qui invite à intégrer les difficultés du patient par l’activation des forces et ressources de celui-ci (alors que de nombreuses thérapies se concentrent sur les problèmes du patient et négligent ses forces - Gassman et Grawe, 2006 -). Cette posture particulière de soin constitue un modèle intégratif très intéressant pour d’autres pratiques complémentaires.
Remarquons aussi que le vocabulaire hypnotique met l’accent sur les mots de liaison, en mettant de côté ceux qui créent une rupture dans la pensée : la communication hypnotique en elle-même impulse une fluidité où tout peut être accueilli et intégré au même moment.
Cette pratique de communication s’inscrit dans un travail permanent d’ajustement du praticien vis à vis du patient, afin de faciliter l’apparition d’un changement, ce qui en fait aussi un modèle pour la démarche intégrative qui se veut mobile et créative.
L’hypnose, une approche intégrative permettant de tisser des liens entre des pratiques actuelles et des traditions plus anciennes.
Nombre de pratiques psychocorporelles sont issues de pratiques traditionnelles : Les différentes formes de méditation, le yoga, le Qi Gong, l’hypnose … L’hypnose en effet est notre façon actuelle, culturelle d’expérimenter la transe, ce processus d’ouverture existe sous d’autres formes, d’autres noms, dans d’autres cultures, au sein de médecines traditionnelles très anciennes. L’hypnose s’enrichit en effet de ses racines avec la transe et aussi des découvertes les plus récentes des neurosciences. Elle fait maintenant partie de l’arsenal thérapeutique de nombreux services hospitaliers (centre de traitement de la douleur, services d’anesthésie, de réanimation …). Cette pratique hypnotique s’est énormément développée dans les services pour une meilleure prise en charge de la douleur et est entrée dans la vie quotidienne de nombreuses personnes.
Il est intéressant de noter que l’hypnose comme d’autres pratiques traditionnelles, qui s’intègrent dans nos services, ne peuvent être le placage de techniques anciennes ou orientales mais une nouvelle synthèse entre ces traditions et nos représentations actuelles du soin, issues d’une rencontre entre les pensées de différentes cultures et de différentes époques. Cette synthèse, cette adaptation, ce dialogue entre différentes représentations et pratiques, c’est cela aussi le mouvement intégratif.
b - L’hypnose, pratique qui s’inscrit complètement dans la démarche intégrative
Comment définir une démarche intégrative ?
Plusieurs démarches intégratives émergent dans la littérature[5] et proposent :
d’incorporer ou d’assimiler de nouveaux outils dans sa pratique ou conceptualisation habituelle.
de juxtaposer sans chercher à les imbriquer différents outils ou cadres de soins et ainsi multiplier les perspectives.
de développer un méta modèle théorique à partir de la synthèse de différentes théories.
de déterminer l’efficacité spécifique de telle technique sur tel patient et pour telle problématique.
Développons ensemble en quoi l’hypnose s’inscrit pleinement dans ces différentes démarches intégratives :
1 - L’hypnose permet d’intégrer de nombreuses autres pratiques et concepts :
L’hypnose permet d’incorporer ou d’assimiler de nombreuses autres pratiques et inversement d’être intégrée au sein de celles-ci. Elle peut également s’inscrire dans un modèle thérapeutique ou associer différents modèles théoriques.
L’hypnose peut par exemple être induite par une pratique respiratoire issue du yoga, un travail en mouvement issu du Qi Gong. Nous pouvons également introduire un temps de méditation en fin de séance s’il est utile de calmer les pensées ou encore, l’hypnose peut être utilisée comme moyen d’exploration dans une thérapie analytique ou comme une étape dans une TCC par exemple.
2 - L’hypnose permet de juxtaposer différents outils, d’associer plusieurs cadres de soins et de rassembler différents professionnels de la santé :
En effet, tous les moyens, paradoxes, imagination, corporel, métaphores peuvent être proposés, le praticien peut faire expérimenter différentes pratiques pour s’ajuster en permanence au patient et le faire changer, moduler une douleur, traverser une émotion …
La communication hypnotique et la pratique de l’hypnose peuvent être partagées par divers professionnels de la santé et intégrées dans leurs domaines de compétences respectifs, en tant que pratiques complémentaires. Elles apportent une autre façon d’être en relation avec les patient, un fils conducteur dans le parcours de soin, une synergie entre les différents professionnels de la santé.
3 -L’hypnose dans sa perspective intégrative pousse à développer une réflexion particulière sur le changement :
Au-delà des différentes pratiques et références conceptuelles, des ingrédients thérapeutiques communs émergent et leur synergie favorise le changement. Dans une démarche intégrative, la mise en perspective de l’hypnose avec d’autres pratiques psychocorporelles (comme la méditation, le yoga, le Qi Gong …) fait émerger l’importance de certains facteurs communs ou ingrédients transversaux :
L’attention au moment présent, à soi, au monde : être là, présent, sans effort :
Etre en hypnose, c’est reprendre contact avec soi-même, être juste là, ici et maintenant, sortir de la préoccupation permanente du futur ou du passé, revenir à l’instant présent. L’hypnose, la méditation, le yoga … c’est être au monde. Une expérience qui peut s’inscrire dans le quotidien à tout moment.
« Vouloir changer est le plus
grand obstacle au changement »
Ces différents chemins nous montrent que la vraie difficulté est de comprendre qu’être au monde … ne demande pas d’effort. Cette posture est une voie très utile pour les patients douloureux chroniques et de façon générale pour tous quand nous mettons une pression trop importante sur un objectif. Perls résume très bien ce paradoxe du processus de changement : « Vouloir changer est le plus grand obstacle au changement ». Lâcher la volonté, lâcher prise serait en fait essentiel dans le processus de changement. Cela rejoint une idée familière à la pensée Zen, c’est en voulant suivre le chemin qu’on s’en éloigne.
Cette présence à soi est une présence au monde. Car toutes ces pratiques, proposées dans un cadre thérapeutique, loin de nous couper du monde nous y relient de façon plus intense. Face à un monde où l'attention est hachée (irruption très fréquente de la pub dans les programmes TV, des multiples sms ou mails, parfois sur-stimulations par de nombreuses activités dans le travail ou dans les loisirs, qui ne laissent pas le temps de se poser ou de rêver), des temps de pause et de présence à soi-même sont de plus en plus indispensables.
L’hypnose comme la plupart des pratiques psychocorporelles qui refocalisent l’attention sur le moment présent redonne leur place dans le changement au corps et à la sensorialité. Changer ce n’est pas appréhender le monde seulement par le moi pensant mais aussi par la sensorialité.
Se remettre dans le mouvement de la vie :
Quand nous nous penchons sur l’impact que peut avoir un symptôme dans la vie de quelqu’un, que ce soit la douleur, la dépression, les angoisses, etc. nous constatons que nous sommes immobilisés dans notre vie par ces symptômes, qui nous coupent d’une relation équilibrée au monde et à nous-mêmes. Ils sont une rupture dans le mouvement permanent du changement. Cette constatation amène au constat : ce que l’on soigne, c’est l’immobilisation.
Changer c’est se remettre en mouvement.
Pratiquer les mouvements du Qi Gong, méditer, être massé et s’automasser, utiliser l’hypnose ou l’auto-hypnose ou encore le yoga sont autant de procédés qui permettent à une personne de se remettre dans le mouvement de sa vie. De la même façon que dans le yoga on expérimente qu’un corps et un mental souples vont permettre de s’adapter aux changements inévitables de la vie, (La pratique régulière des asanas ,les postures du yoga, cultivent la souplesse), cette notion de souplesse et de fluidité est essentielle en hypnose et plus généralement dans cette démarche intégrative.
Savoir traverser ses émotions :
Le travail en hypnose ou en méditation ne consiste pas à ne pas avoir d’émotions difficiles mais plutôt à ne pas les entretenir. Etymologiquement d’ailleurs, l’émotion « emovere » en latin, renvoie à l’idée de mettre en mouvement. Les émotions sont des signaux d'alarme très efficaces (la colère pour la frustration, la peur pour le danger, etc.), mais une fois ce rôle d'alarme accompli, nous n’avons pas à les entretenir ou les laisser continuer à diriger nos vies. Elles sont, selon l’expression, de « bons serviteurs mais de mauvais maîtres ». Nous pouvons apprendre à accueillir et traverser nos émotions, ce qui permet de développer une véritable confiance en soi, un sentiment de sécurité intérieure, sentir son équilibre quand tout va bien, le maintenir quand il y a du stress.
Observer ses pensées, se libérer des constructions mentales : L’hypnose permet d’apprendre à ne pas laisser une émotion, ni de façon plus générale, une pensée prendre les rênes, à se libérer de toute construction mentale, à suivre sans jugement ni justification, le mouvement des pensées. Rentrer en hypnose est un processus, pas un état : c’est découvrir le processus de tout son être.
Les pratiques respiratoires, un outil intégratif par excellence :
La respiration est au cœur de la méditation, de l’hypnose, du Yoga, du Qi Gong … : Une fois le corps installé dans une position stable pendant longtemps, un rythme respiratoire calme peut s’établir. " Lorsque le souffle est agité, l'esprit est agité. Lorsque le souffle est immobile, l'esprit est immobile … " (Hatha-Yoga Pradipika). Calmer la respiration permet de façon efficace de calmer le mental. De plus la respiration est un des moyens les plus rapides pour se connecter à l’instant présent. Prêter attention à la respiration c’est être connecté au mouvement permanent de la vie : le souffle est au cœur du changement. L’attention à la respiration ou la modulation consciente de la respiration sont présentes à la fois en hypnose mais aussi comme ancrage pour rentrer rapidement en auto-hypnose.
4 - Déterminer l’efficacité spécifique de telle technique hypnotique sur tel patient et pour telle problématique est un enjeu important en hypnose, pour s’ajuster véritablement au patient.
L’hypnose est une adaptation permanente du praticien avec le patient, il ne s’agit pas de précéder le patient mais de l’accompagner. Dans le domaine de la douleur, nous constatons quand la douleur est aigue et envahit toute l’attention de la personne, une induction de relaxation ne sera pas la plus adaptée mais plutôt une induction qui part directement de la perception douloureuse pour viser à la modifier.
Lao Tseu disait « celui qui pense ne ressent pas, celui qui sent ne pense pas ».
Quand il faut amener une personne à lâcher son agitation mentale, focaliser l’attention sur la sensorialité est un moyen efficace. Quand une douleur attire l’attention sur le corps, amener quelqu’un comme dans la réification à chercher une image, une couleur, c’est-à-dire à se focaliser sur le mental, permet de modifier la perception douloureuse. Déterminer ce qui est le plus efficace est au cœur de l’ajustement permanent de l’hypnopraticien avec le patient.